Et voilà au moins 5 ans que tout le monde m'entend geindre que je ne m'y retrouve pas. Que rester à la maison c'est pas fun;
Que mes seules conversations tournent autour de pokémons et de barbies, le reste des mots que je prononce étant en général aboyés
("fais pas ça, mets ta culotte, arrête de faire du bruit, mets ta culotte, ramasse ce légo tout de suite, mets ta culotte
Toute les mamans d'école que je croise savent que j'en bave. Qu'être à l'école à 15h45 et gérer toute seule la trollteam surexcitée pendant 5 heures d'affilée, c'est épuisant, et que je n'en tire que peu de satisfactions.
Mais parfois, de temps en temps, il m'arrive de croiser des mamans un peu plus avancées dans la vie, dont les trolls ne sont plus des mini-trolls,, mais des ado-trolls...ces mamans, me disent, en regardant avec ravissement mes affreux..."quelle chance tu as, ça passe tellement vite, profite!"
Cette petite phrase, outre le fait qu'elle me prédise un avenir assez effrayant, je la dirais peut être à mes plus jeunes amies dans quelques années. mais aujourd'hui, on me parlerait en javanais que ça serait kif kif...
Profite...? mais comment? Comment faire abstraction des 99% de moments exaspérants, pour profiter des 1% de moments magiques (le ratio est sans doute lié à un moral un poil en berne, je vous l'accorde)...
Depuis 10 ans, je ramasse tout ce qui traine par terre, et j'ai acquis la quasi certitude que 5 personnes sur 6 dans cette famille ont un problème de vue périphérique verticale (si si ça existe)...Légos, playmos, doudous, chaussettes sales et dépareillées, slips, jeans (avec le slip entortillé dedans, c'est bien trop fatiguant de les séparer), et autres trucs un peu trash.
Bref, je profite.
Depuis 10 ans, j'essaie de me faire pousser une 2° paire de bras, ou de me cloner: maman j'ai soif, maman je trouve pas ma culotte, maman j'arrive pas à ouvrir le pot de confiture, maman, j'ai renversé mon verre, maman, j'veux du ketchut,...le tout en même temps, et en boucle.
bref, je profite
Depuis 10 ans, j'arbitre les disputes, en essayant de trouver le juste équilibre entre intervenir si ça devient dangereux, et laisser faire
bref, je profite.
depuis 10 ans, je remplis le frigo, gère les RDV médicaux, les anniversaires, les vaccins, les réunions de parents, les inscriptions aux activités, les conduites, les devoirs, les diners, les problèmes variés...
bref, je profite...
Alors j'ai quand même cherché. Je me suis dit que je devais être sacrément aveuglée par le quotidien pour ne plus parvenir à voir ce qu'il y avait de beau dans cette équipe de trolls. Qu'est ce que je manque pour ne presque plus jamais sentir de satisfaction à m'occuper d'eux? Le lien avec mon absence d'activité professionnelle est il réel ou juste un leurre?
Ils sont épuisants, bruyants, maladroits, trop pleins d'énergie, belliqueux, parfois capricieux...mais quand même...
- quand je réalise qu'ils sont tous les 4 en pleine forme, absolument magnifiques (en toute objectivité), intelligents et en bonne santé, et que certains n'ont pas cette chance
- Quand Preums me prend par la main dans la rue, juste comme ça pour le plaisir
- Quand Deuz me serre très fort dans ses bras en me disant qu'il m'aime à l'infini
- Quand les trollettes me font un double-câlin, en me disant que je suis la plus belle des mamans
- Quand ils jouent tous les 4 ensembles, et qu'ils rigolent comme des baleines
- Quand ils sont endormis et que je viens leur faire un dernier bisous, qu'ils sont si doux, si beaux, qu'ils sentent si bon
- et aussi...quand ils sont tous à l'école et que je prends un café peinard
alors, oui, je profite!